
Chronique bric-à-raque
Il y a des anglicismes tellement ancrés dans le français québécois que plusieurs personnes croient qu’ils sont parfaitement français. Vous lirez d’ailleurs à ce sujet ma chronique sur le mot pole.
Mais aujourd’hui, j’ai plutôt envie de vous parler du rack.
L’hiver dernier, au centre de conditionnement physique, je suis tombé, à l’entrée du vestiaire, sur un avis nous invitant à mettre nos bottes sur le raque. Comme si ce mot avait toujours été français. Ça m’a évidemment fait sourire (dans le cas présent, le rack en question était une étagère).
Cela dit, plusieurs anglicismes ont précédemment emprunté le même chemin que ce rack francisé. Je donne souvent comme exemple packed-boat qui est devenu paquebot, ou romantic qui a été adapté en romantique.
Ne soyons donc pas surpris si beaucoup de gens transposent rack en raque.
Il faut dire que rack est un autre mot passe-partout en anglais. Dans sa fiche, la Banque de dépannage linguistique propose rien de moins que 27 traductions françaises possibles selon le contexte.
La tentation du moindre effort est donc très grande : pourquoi apprendre tous ces mots alors qu’un seul peut suffire?
C’est là toute la différence entre l’anglais et le français, cette dernière étant une langue qui affectionne davantage la précision que sa voisine.
On fait un petit survol ensemble?
Je t’attends près du support à vélos [et non rack à bicyc’].
Tiens, essaie ce chandail, je l’ai trouvé sur le portant [et non sur le rack] des articles en solde, à l’entrée de la boutique.
D’habitude, je laisse sécher la vaisselle dans l’égouttoir [et non le rack à vaisselle].
Tu as placé les assiettes tout de travers dans le panier du lave-vaisselle [et non le rack].
En train, il est obligatoire de placer les grandes valises dans le porte-bagages [et non dans le rack à bagages].
J’ai trop de CD, mon casier déborde [et non mon rack].
Va chercher un dépliant au bureau d’information touristique, il y en a tout un présentoir [et non tout un rack].
Accroche ta casquette au portemanteau (et non sur le rack].
C’est un mot bien, portant
Évidemment, je ne vous donnerai pas des exemples pour les 27 traductions possibles, mais sachez que vous pouvez également vous tourner, selon le contexte, vers des mots comme bac, classeur, cadre, grille, râtelier, porte-bouteilles, porte-charges, porte-outils, porte-skis, etc.
Je vous confie quand même que je ne connaissais pas du tout le mot portant. J’aurais dit quelque chose comme porte-vêtements, mais, non, ça n’existe pas.
Le mot portant est employé non seulement dans le commerce de détail, mais aussi dans les arts, notamment au théâtre et au cinéma. Les portants, souvent sur roulettes, servent à transporter les costumes.
On appelle également portant la pièce verticale permettant, lors d’un spectacle, de soutenir plusieurs projecteurs les uns au-dessus des autres. Finalement, vous pouvez appeler portant la pièce qui vous sert à poser une tablette au mur.
Quant à cette installation fixée sur le toit de votre voiture pour transporter des bagages ou des vélos, le terme exact est galerie. Quoique si vous demandez à votre voisin de vous aider à descendre les vélos de la galerie, celui-ci risque de se rendre sur votre balcon d’abord…
En somme, ce ne sont pas les options qui manquent pour expulser rack de votre vocabulaire.
Cela dit, je dois mentionner que, dans leurs versions en ligne, Larousse et Robert ont fait entrer rack dans le domaine de l’électronique, pour désigner un « meuble de rangement à dimensions normalisées prévu pour des sous-ensembles électroniques ». Mais on est ici dans un vocabulaire très spécialisé.
Faut-il traquer les raqués?
Je pressens votre prochaine question : si on ne peut plus dire rack, est-ce qu’on peut au moins encore être raqué?
Bonne nouvelle : Usito a fait une petite place au québécisme raqué comme synonyme de courbaturé ou éreinté dans la langue familière.
Définition qu’il donne : « Qui éprouve une sensation de douleur, de fatigue ou de raideur musculaire, notamment à la suite d’un effort inhabituel ou d’un exercice physique. »
Mais quel est le rapport entre les courbatures et un objet servant au rangement ou au classement? Est-ce parce que la sensation est la même que si vous aviez passé la nuit sur un support à vélos?
On n’est pas loin. En anglais, le mot rack est employé pour désigner le chevalet. Mais pas le chevalet dont se servent les peintres : l’instrument de torture employé dès l’Antiquité pour étirer les membres d’une personne jusqu’à la rupture des tendons et des ligaments, selon le même principe que l’écartèlement.
L’expression anglaise to be racked with pain signifie donc être tenaillé, torturé, tourmenté par la douleur. Et c’est de là que nous vient notre bon vieux raqué québécois.
Vous pouvez donc l’employer comme bon vous semble dans vos conversations privées, mais certainement pas dans un contexte plus soutenu.
J’ai couru dix kilomètres hier et je suis complètement raquée aujourd’hui.
Parmi les effets secondaires de ce vaccin, vous pourriez vous sentir courbaturé [et non raqué], indique le médecin.
Perles de la semaine
Suite et fin des perles de RDI extraites de l’émission L’info, c’est du sérieux! 2023.
- Quatre adolescents poignardés à mort à Montréal, ils sont maintenant hors de danger.
- On dit qu’il a fait écarquiller bien des œufs… des yeux.
- On dit que ce n’est pas mieux qu’un placenta… un placebo!
- Il se demande pourquoi on lance ces chiffres-là qu’il trouve astromonomiques.
- On va parler de pluie mouillée… euh de la neige mouillée, voilà!
- Vous avez vu Magaline Lépi… Magali Lépine-Blondeau!