
Ne pas rentrer comme dans un moulin
Si « rouvrir » veut dire « ouvrir de nouveau », et « rappeler », « appeler de nouveau », « rentrer » devrait vouloir dire « entrer de nouveau ». Comment expliquer alors des phrases comme « rentrer au bercail » ou « rentrer dans un mur »?
Paul C., Sherbrooke
Si « rouvrir » veut dire « ouvrir de nouveau », et « rappeler », « appeler de nouveau », « rentrer » devrait vouloir dire « entrer de nouveau ». Comment expliquer alors des phrases comme « rentrer au bercail » ou « rentrer dans un mur »?
Paul C., Sherbrooke
Beaucoup de verbes formés à l’aide du préfixe « re », dans l’intention d’ajouter une idée de répétition, ont fini par prendre d’autres sens au fil des siècles, et rentrer n’est pas le seul. Par exemple, si vous ranimez une personne, vous voulez dire que vous lui faites reprendre conscience après qu’elle se fut évanouie, non que vous l’avez animée une deuxième fois. Si vous ramenez quelqu’un, vous parlez soit d’une personne que vous amenez une deuxième fois, soit que vous faites revenir au lieu qu’elle avait quitté. Et si vous dites qu’un magasin rouvre, il n’a pas forcément fait faillite entre ses deux ouvertures : il ouvre simplement après avoir été fermé pendant une certaine période de temps, pour une raison x ou y.
Malheureusement, la boutique est fermée à cette heure-ci, mais nous rouvrons dès 9 h demain.
La salle de spectacles a rouvert hier après deux mois de travaux.
Dans le cas de rentrer, on peut même dire que ce mot ne veut presque plus jamais dire « entrer une deuxième fois », mais plutôt « entrer de nouveau dans un lieu où l’on a déjà été, dont on est sorti ». Il est devenu synonyme de réintégrer, comme dans rentrer à la maison, rentrer au bercail… Cela nous a donné des expressions comme rentrée scolaire, rentrée parlementaire, rentrée télévisuelle, etc.
Mais bien d’autres sens ont aussi fait leur apparition, note la Banque de dépannage linguistique. Par exemple, on s’est mis à utiliser rentrer dans le sens (propre ou figuré) de « pouvoir être contenu, faire partie de », d’« introduire » et de « faire disparaître ». Voici les exemples de la BDL (notez que le verbe entrer pourrait convenir dans chacun de ces cas, bien que certains emplois aujourd’hui soient plus rares).
Ce coffret rentre dans ma valise.
Faire de la révision linguistique rentre dans ma description de tâches.
J’ai dû rentrer ma voiture au garage pour y faire vérifier les freins.
Les déménageurs ont dû rentrer le réfrigérateur par la porte-fenêtre.
Ma chatte n’arrive plus à rentrer ses griffes.
On pourrait croire que rentrer dans un mur est un usage fautif, puisqu’on n’entre pas réellement à l’intérieur du mur. Mais cette tournure (entrer avec force) est tout à fait correcte, même au figuré.
La voiture est rentrée dans un arbre.
Cette idée ne me rentre pas dans la tête.
On peut aussi utiliser rentrer dans le sens de s’emboîter.
Regarde bien ton casse-tête : ce morceau-ci rentre dans celui-là.
Il n’y a que deux cas où l’usage de rentrer est critiqué : lorsqu’on l’utilise comme synonyme d’« entrer (dans un endroit où l’on n’était pas, dont on n’est pas sorti) » et de « devenir membre ».
La présidente vient d’entrer (et non de rentrer) dans la salle de conférence.
Il est entré (et non rentré) chez les scouts.
Perles de la semaine
Quelques souvenirs de La presse en délire, du défunt magazine Croc.
Le Midget de Thetford s’incline la tête haute.
Un homme a été blessé hier lors d’une bagarre qui s’est produite à la sortie du bar L’Amitié.
Le maïs est la troisième plante la plus cultivée du monde, après le blé d’Inde et le riz.
Salon de massage de Terrebonne : les neuf assucés devront respecter une probation.
Paolo Noël écrit pour Ginette Reno. En effet, le chanteur caresse un gros projet.