Se mettre le doigt dans l’oeillère

«Mais l’autre ailier est retombé dans la mauvaise habitude de porter des ornières lorsqu’il s’empare de la rondelle.»

«Bref, une fois qu’on enlève ses ornières, les possibilités sont infinies.»

«La ministre devrait retirer ses ornières idéologiques et constater les résultats concrets de l’austérité», s’insurge le député de Québec solidaire.

Cela fait plusieurs fois que je tombe sur cette confusion entre œillère et ornière. Les exemples ci-haut proviennent de médias québécois, et ils n’ont vraiment pas été difficiles à trouver. Mais cette erreur est quand même compréhensible : voici deux mots qui commencent par o, qui ont la même terminaison, qui ne sont pas d’usage courant et qui, au sens figuré, peuvent avoir des significations assez proches l’une de l’autre. Rafraîchissons donc notre mémoire sur ce que sont une ornière et une œillère.

Une ornière, nous apprend le Petit Robert, est une « trace plus ou moins profonde, que les roues des voitures creusent dans les chemins ». Il s’agit d’un phénomène courant sur les routes non pavées, mais qui peut se produire aussi sur l’asphalte et même la pierre. Sur certaines voies, les ornières peuvent devenir si profondes qu’il est très difficile pour un véhicule d’en sortir. D’où l’expression « ne pas être sorti de l’ornière », c’est-à-dire d’une situation pénible, ne pas être tiré d’affaire. Au sens figuré, le mot est synonyme d’un chemin tout tracé et, par extension, d’une routine, d’une mauvaise habitude, d’une absence de réflexion ou d’initiative.

Malheureusement, il est retombé dans les mêmes ornières.

Cette nouvelle façon de faire nous permet de sortir de l’ornière.

Toutefois, lorsqu’on veut exprimer qu’une personne refuse d’élargir ses horizons, de regarder ce qui se passe autour d’elle, de s’ouvrir à d’autres points de vue, de renoncer à une idée fixe, on dira plutôt qu’elle porte des œillères, en référence à ces plaques de cuir attachées aux montants de la bride et empêchant le cheval de voir sur les côtés (elles avaient aussi comme utilité de protéger les yeux des coups de fouet), ce qui force l’animal à regarder droit devant lui et le coupe des distractions.

Avoir des œillères, au sens figuré, c’est donc « être borné, ne pas voir certaines choses par étroitesse d’esprit ou par parti pris », explique le Petit Robert.

Comme vous constatez, entre une personne prise dans ses ornières et une autre qui porte des œillères, il peut y avoir une forme de similitude propice à la confusion. Dans les deux cas, on imagine aisément un individu qui regarde droit devant sans se remettre en question.

Le mot œillère désignait aussi, au Moyen Âge, la partie du heaume qui se rabattait sur les yeux.

Perles de la semaine

Un bêtisier de fin d’année de RDI en 2013…

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