
Demandez et vous traduirez
J’aimerais savoir si la tournure qui suit est correcte : « Interrogé à savoir s’il est d’accord, le ministre… » Je me demande s’il s’agit d’un calque de l’anglais asked if. Il me semble qu’en français, on ne peut pas dire « interrogé à savoir si » ou, encore pire, « interrogé pour savoir si », car quel serait alors le sujet de savoir?
Ronald J., Gatineau
J’aimerais savoir si la tournure qui suit est correcte : « Interrogé à savoir s’il est d’accord, le ministre… » Je me demande s’il s’agit d’un calque de l’anglais asked if. Il me semble qu’en français, on ne peut pas dire « interrogé à savoir si » ou, encore pire, « interrogé pour savoir si », car quel serait alors le sujet de savoir?
Ronald J., Gatineau
Disons que cette construction ne recevra pas le prix de la tournure la plus élégante de l’année.
En fait, nous sommes témoins, ici, d’une traduction presque à l’emporte-pièce : le ou la journaliste essaie d’employer la même structure de phrase que la langue de départ plutôt que de s’en libérer et de l’adapter à la langue d’accueil.
Traduit littéralement, asked if se dirait demandé si, ce qui ne fonctionne évidemment pas. Le verbe demander ne peut se mettre au passif dans ce contexte, tout simplement parce qu’il est transitif indirect : on demande quelque chose à quelqu’un.
Étant donné que la personne à qui on pose la question ne subit pas directement l’action, ce n’est pas elle qui est demandée : c’est l’objet de la question qui subit cette action, et qui est donc demandé.
Dans le cas que vous soumettez, l’auteur commence donc par remplacer demander par interroger, ce qui est la bonne chose à faire, parce qu’interroger est ici un verbe transitif direct : on interroge une personne, et cette personne, en subissant directement l’action, peut être interrogée (voix passive).
Mais ça se gâte après : étant donné que la phrase de départ est probablement asked if he agrees, le traducteur se sent obligé de respecter cette structure.
Sauf qu’« interrogé s’il est d’accord », ça ne marche pas non plus en français, raison pour laquelle il tente la locution à savoir.
Malheureusement, ça ne fonctionne pas davantage : en français, à savoir signifie c’est-à-dire.
J’ai apporté le matériel, à savoir des cannes à pêche, des mouches et des vers de terre.
Je lui ai dit ce qu’il fallait, à savoir que sa présence n’était plus souhaitée ici.
Un petit effort
Pourtant, en français, on sait d’instinct la préposition à employer avec le verbe interroger : on interroge quelqu’un SUR quelque chose.
Il s’agit alors de faire un petit effort pour réécrire autrement la phrase.
Interrogé sur ce qu’il en pense, le ministre a exprimé son accord avec cette décision.
Interrogé sur son appui à cette décision, le ministre a plutôt émis des réserves.
D’autres tournures et conjonctions comme à propos ou quant à pourraient également convenir.
Interrogé quant à son accord avec ce projet, le ministre a manifesté un appui total.
Interrogé à propos de son appui, le ministre a préféré ne pas répondre.
Interrogé à ce sujet, le ministre a fait part de son désaccord total avec cette décision.
Comme vous voyez, les possibilités sont assez nombreuses. Il n’y a pas vraiment d’excuse pour ne pas mieux faire. La Banque de dépannage linguistique comporte d’ailleurs une fiche faisant mention de cet usage erroné des locutions à savoir et à savoir que.
Notez que, si le sujet était exprimé, il serait possible d’écrire interrogé pour savoir.
Interrogé par l’opposition pour savoir s’il était d’accord, le ministre a préféré se taire.
Les policiers l’ont interrogé pour savoir où il était à l’heure où le vol a été commis.
Interroger quelque chose
Peut-être serez-vous surpris d’apprendre qu’il est possible d’interroger des choses. Au sens figuré, ce verbe signifie « examiner attentivement pour trouver une réponse aux questions qu’on se pose ».
Le député interroge le nouveau projet de loi, craignant que certains aspects aient été négligés.
L’avocat interroge la jurisprudence dans ce cas précis.
En informatique, il est également possible d’interroger une base de données, un site Web, un serveur, au sens de chercher des informations précises.
Finalement, interroger peut être utilisé comme synonyme d’interpeler.
Cette question nous interroge tous.
Le procès de Trump interroge la majorité des Américains.
Dernière chose avant de terminer, parce que j’ai pensé à mes petits malins : oui, une personne peut être demandée. Mais le verbe n’a alors plus le sens d’interroger : il veut alors dire faire venir, faire chercher, solliciter.
Elle a été demandée pour ses excellents services.
Les représentants syndicaux ont été demandés par les employés.
Perles de la semaine
Quelques boutons sur le bout des langues qui ont empêché les journalistes de RDI de turluter.
- « Ces jeunes filles n’en reviennent toujours pas de lui avoir servi [à Barack Obama] une queue de cochon [queue de castor]. »
- « Je vous laisse avec des nouvelles de Justin Beaver. »
- « Ça ne se fait pas en claquant des dents! »
- « Il faudra desserrer les condoms de votre bourse… »
- « J’en parle à l’instant avec Liza Frollu. »