Supprimez-moi ou déprimez-moi?

Est-ce que les mots immunosuppression et immunodépression peuvent être utilisés sans distinction? Dans le Grand dictionnaire terminologique, les deux mots semblent être utilisés avec la même définition. Sur Termium plus, les deux sont acceptés. Dans Vivre avec la fibrose kystique, la Dre Lara Bilodeau affirme que « le terme immunosupprimé implique que cet affaiblissement du système immunitaire est engendré par la prise de médicaments, alors que le terme immunodéprimé englobe toutes les causes de déficit immunitaire reliées aux maladies et aux médicaments ». L’Institut national de santé publique du Québec, dans plusieurs documents en lien avec la COVID, ainsi que le Protocole d’immunisation du Québec utilisent immunodépression. Merci de m’éclairer!

Louise F., Sherbrooke

Je pense que vous pouvez vous fier au Grand dictionnaire. Si les terminologues énoncent aujourd’hui qu’on peut employer comme synonymes immunodépression et immunosuppression (de même que leurs adjectifs dérivés immunodéprimé et immunosupprimé), c’est parce qu’ils ont fait assez de recherches pour en venir à cette conclusion. Le dictionnaire Usito va dans le même sens.

Il est vrai que la définition proposée par la Dre Bilodeau n’est pas bête du tout : le verbe supprimer laisse supposer une action. Pour supprimer quelque chose, il faut poser un geste (ici, prendre ou administrer des médicaments), alors qu’immunodéprimé nous fait davantage penser à un état, même s’il est possible de déprimer quelqu’un, au sens propre comme au sens médical.

Mais lorsque les terminologues se penchent sur des termes aussi techniques et précis que ceux-là, vous pouvez être certaine qu’ils prennent toutes les précautions. Ils sont avant tout des spécialistes des mots et non de la médecine, et ils ont fort probablement, comme vous, sondé de multiples sources avant de rédiger la fiche du GDT.  

Je présume donc qu’après avoir interrogé plusieurs intervenants du milieu et parcouru plusieurs documents, ils ont constaté que la définition proposée par la Dre Bilodeau n’était pas prépondérante, du moins pas pour l’instant. Ils se seraient ralliés à elle s’ils s’étaient aperçus qu’une minorité de professionnels ignoraient cette distinction.

Cela ne veut pas dire qu’il en sera toujours ainsi. J’ai déjà abordé, dans cette chronique, le cas de l’AVC (accident vasculaire cérébral). Auparavant, c’est le sigle ACV (accident cérébrovasculaire) qui était majoritairement employé en Amérique du Nord francophone. Mais dans le milieu médical, on en est venu à croire qu’il était fautif parce qu’il est calqué sur l’anglais (cerebrovascular accident), alors qu’en Europe francophone, c’est AVC qui est le plus répandu.

Les linguistes de l’OQLF se sont donc pliés à ce changement, même si, pour eux, accident cérébrovasculaire n’était pas une construction erronée (ACV est d’ailleurs encore accepté). D’autres mots toujours employés dans les sciences médicales, comme rénovasculaire ou physiopathologie, sont construits de la même manière, c’est-à-dire avec un rapport de subordination du préfixe au mot principal.

Le plein de fruits de mer

Ici en Gaspésie, il est souvent question de poissons et de fruits de mer, ce qui pose souvent un dilemme à l’écrit : pêche au saumon ou aux saumons, pêcheur de crevette ou de crevettes, quota de crabe ou de crabes? Même chose avec les mots stock, quantité, transformation, tonne, banc… Se régale-t-on de homard ou de homards? Merci d’éclairer ma lanterne.

André M., Carleton-sur-Mer

Ici en Gaspésie, il est souvent question de poissons et de fruits de mer, ce qui pose souvent un dilemme à l’écrit : pêche au saumon ou aux saumons, pêcheur de crevette ou de crevettes, quota de crabe ou de crabes? Même chose avec les mots stock, quantité, transformation, tonne, banc… Se régale-t-on de homard ou de homards? Merci d’éclairer ma lanterne.

André M., Carleton-sur-Mer

Vous trouverez une merveilleuse fiche à ce sujet dans la Banque de dépannage linguistique.

J’ignore si vous le percevrez comme une bonne et une mauvaise nouvelle, mais lorsqu’il est question du nombre du complément du nom, il n’y a pas de règle absolue. Peut-être auriez-vous souhaité une réponse claire et tranchée, mais ce n’est pas le cas.

Par contre, cela signifie que, dans plusieurs situations, vous avez une marge de manœuvre pour choisir l’option qui vous convient, selon le sens que vous souhaitez donner à votre phrase.

Prenons le mot pêche. Si vous souhaitez parler de la pêche d’une espèce en particulier par rapport à une autre, vous aurez probablement tendance à privilégier le singulier.

La pêche au homard s’est mieux déroulée que celle au crabe cette année.
Je préfère nettement la pêche au saumon, bien plus que la pêche à la truite.
Dans le secteur de la pêche à la crevette, on commence à voir les effets du réchauffement climatique.

Mais rien ne vous empêcherait, dans un autre contexte, de recourir au pluriel.

Nous sommes allés voir de près comment se déroulait la pêche aux crabes des neiges ce printemps.
Voici les bateaux qui partent pour la pêche aux crevettes.
À la pêche aux moules-moules-moules, je ne veux plus aller, maman…

Par contre, avec le mot pêcheur, c’est fort probablement le pluriel qui s’imposera à vous, tout simplement parce qu’un pêcheur ramène généralement plusieurs poissons, mollusques et crustacés et qu’il est rémunéré en fonction de cette quantité.

Les pêcheurs de homards ont connu une excellente saison.
Les stocks ramenés par les pêcheurs de crevettes ont beaucoup diminué.

Dans certains cas que vous soulevez (stock, quantité, tonne, banc), le pluriel s’avère l’évidence même. Ces mots prennent tout leur sens du fait qu’ils évoquent un grand nombre.

Quant à se régaler, encore une fois, le sens vous guidera : se régaler de crevette au singulier vous paraîtra illogique, parce que vous en mangerez sûrement plus qu’une, mais se régaler de saumon ou de homard vous semblera plausible, car manger un seul homard de bonne taille est réaliste, tout comme un morceau de saumon.

Si un doute persiste dans une situation quelconque, deux autres possibilités s’offrent à vous. D’abord, regardez dans un Petit Robert ou dans Usito : ce sont deux dictionnaires qui donnent généralement beaucoup d’exemples d’usages.

Ou alors, tapez l’expression qui vous tracasse dans Google, d’abord au singulier, puis au pluriel : vous verrez si une occurrence est prépondérante par rapport à l’autre. Ce n’est pas une solution infaillible, mais elle pourrait vous aider à y voir plus clair en vous donnant différents contextes.

Perles de la semaine

Nouvelle excursion du côté du Sportnographe, qui n’y va pas avec le dos de la main morte…

  • « Bob Hartley a vraiment pu inculper ce style de travail là à ses joueurs. »
  • « Jean Béliveau était aimé d’un Atlantique à l’autre. »
  • « Tomas Plekanec est le joueur de la semaine cette année. »
  • « Définitivement, Markov a mis beaucoup d’épaule à la roue pour remporter cette victoire-là. »
  • « Justin Williams de la Caroline avait frappé l’œil de Koivu, donc avait détaché la ratine de son œil. »